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Le Journal De Bord - Page 6

  • La Mémoire & la Mer.

    128648858_o.jpgComment naît une vocation ? D’où est venu l’appel de la mer à celui qui l’a prise ? On sait depuis l’Antiquité qu’il y a trois types d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui prennent la mer… Le choix de devenir marin peut relever de différents facteurs, sociaux, familiaux, culturels. On se souvient tous d’un grand-père qui nous apprend à faire un nœud de chaise ou à pêcher à pied, du premier couteau capturé avec du sel, d’un seau de tellines ramené fièrement à la maison. L’amour de la mer vient souvent  de l’enfance, de la transmission, la découverte d’un nouveau monde, immense et sauvage. La passion, c’est l’amour et la mort réunis ; en mer, on se sent minuscule face à l’infini et au péril. On apprend des anciens l’humilité, la façon de distinguer le risque du danger, les ficelles du métier. Etre marin aujourd’hui comme hier, c’est un mode de vie à part entière : un abord scientifique du milieu maritime ,un rapport à la solitude et au collectif (dans un espace  exigu). C’est un paradoxe notoire : que l’on soit seul au milieu de l’ Atlantique ou à 6 dans une cabine de 7m²  en mer du Nord par force 8*, la difficulté est la même, il faut garder son sang froid face à l’hostilité des éléments.

    On devient marin aussi pour préserver les ressources naturelles et l’écosystème, apprendre de nos erreurs, adopter une conscience environnementale. Ces deux dernières années, la nature a montré qu’elle pouvait reprendre ses droits quand l’activité humaine s’est figée : à l’Homme de réfléchir et d’adapter ses habitudes et son mode de vie pour qu’elle lui survive et continue de le nourrir.

    *de 1 à 12 sur l’échelle de Beaufort

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    Peinture: "Ouessant", par Franck Gervaise

     

  • Le rêve d'une réalité.

    HEShip_Multishot.jpgLorsque que je touchai la coupe, je me réveillai en sursaut, emplie d'une sensation forte de satisfaction. Celle d'avoir découvert quelque chose, mais quoi ? J'étais sur une couchette d'un hôtel en bord de mer. Sur une chaise, mes vêtements : pantalon de soie, tunique courte, gilet de cuir épais et bottes. Je m'habillai vite, sortis de la chambre et allai sur le port. Un trois mâts y était accosté, des marins chargeaient vivres et équipements, ils avaient le même blason brodé sur leur gilet que moi. J'en conclus que je devais les aider. Je montais sur le navire, la tête haute et la poitrine bombée : j'étais fière de faire partie de l'équipage du Smollett.

                Lorsque nous larguâmes les amarres, je ne pus m'empêcher d'éprouver la crainte de ne jamais revenir, dépassée par l'excitation de découvrir de nouveaux horizons ! Les deux Soleils étaient au Zénith, j’avais la main en visière pour garder mes yeux ouverts tandis que les faubourgs disparaissaient. Je me tournai vers l'avenir, le regard plein d'espoir, ma soif de découverte insatiable.

    Je m'avançai sur la proue du navire. Proue, poupe, bâbord, tribord, je ne sais d'où me venaient tous ces mots marins, mais je les connaissais. Ils venaient de mon cœur. Je montai sur l'enfléchure du mât avant. Le vent faisait danser ma chevelure rousse et je savourais chaque bouffée de cet air halin. J'aperçus, appuyée au bastingage, une grande femme à la cape verte qui regardait l'horizon, aussi. J'allai à sa rencontre. Elle portait sa capuche pour protéger sa peau sensible des Soleils, m'a-t-elle dit, elle était ici avec ses compagnons pour découvrir une Cité perdue. Ils auraient passé plus d'une vie à chercher tous les indices, cartes et parchemins qui pouvaient les mener jusqu'ici.

    Le jour commençait à tomber lorsque je reçus de l'eau en pleine figure. Surprise, je faillis tomber à la renverse. J'allai voir ce qui m'avait arrosée. Je me penchais, regardais, mais rien. C'est alors qu'une ombre se rapprocha de la surface. Une sirène, un triton, une divinité des océans ? La masse, de la taille d'un homme, était presque en surface.. Le parapet était sous mon ventre, seule la pointe d'un pied me tenait en contact avec le pont. C'est alors que je reçus à nouveau de l'eau avec un bruit d'expiration. Un dauphin ! C'était la première fois que j'en voyais un ! J'entendis une deuxième expiration. Je tournai la tête en suivant le son et vis un second dauphin, non trois, cinq, une dizaine ! Ils venaient jouer sous l'étrave du navire. Je restai à les regarder jusqu'à ce qu'ils s'en aillent. Lorsqu'ils partirent, je me redressai en me tenant le ventre. J'avais une grosse marque rouge, douloureuse au toucher. C'était un moindre mal pour pouvoir s'émerveiller, même rien qu'un peu.

    Je rentrai dans l'aile des cabines, courbée. Je croisai la femme à la cape, qui m'indiqua que l'on était dans la même cabine. J'entrai et effectivement mes affaires étaient sur un lit, à côté de celui de l'aventurière. Elle revint avec deux assiettes : nous étions les deux seules femmes du navire et elle avait remarqué que j'avais mal, s'était dit que ce serait mieux de dîner ensemble. Après notre repas, elle appliqua sur mon ventre une pommade contre la douleur, qui fit effet presque immédiatement. Quand je lui demandai quelle était sa préparation, elle me répondit que c'était un secret ancestral de son peuple et retira sa capuche. Elle avait la peau très pâle, de sa chevelure dépassaient deux oreilles pointues. Elle était une Elfe, ses compagnons en étaient aussi. La Cité qu'ils cherchaient était leur foyer ancestral où plusieurs générations avaient vu le jour. J'étais abasourdie. Je me pinçais pour savoir si c'était un rêve, mais la douleur me signifiait que non. Une seule question me vint : était-elle vraiment réelle ? Après un petit rire, l'Elfe me dit « À toi de décider ».

                A ces mots, elle alla se coucher. Je fis de même, mais ne trouvais pas le sommeil tout de suite. « À toi de décider », cette phrase tournait en rond dans ma tête. Puis-je vraiment décider de ce qu'il va arriver ? me demandais-je. J’espérais que l'on trouve cette Cité. Je m'endormis peu de temps plus tard.

                Le lendemain matin, je me réveillai et m'aperçus que le baume elfique était très efficace. Je mis mes bottes et montai sur le pont. Tout le monde s'agitait, comme dans une fourmilière. Je compris la source de l'agitation lorsque je vis une île au loin. Leur Île. Avec une satisfaction sans nom, je me mis au travail de concert avec tout l'équipage. Nous accostâmes sur la berge deux heures plus tard. Les Elfes descendirent en premier sur le sable fin. Lorsque toutes les voiles furent rentrées et l'équipement rangé, nous descendîmes aussi. Je m'avançai près de l'Elfe en vert. Qui s'approcha de mon oreille et me dit « Bienvenue à Cibola. C'est toi qui l'as voulu ». Nous avançâmes dans la forêt dense pendant une heure environ, tombâmes devant un grand édifice. Quand les Soleils furent au Zénith, le temple se mit à briller de mille feux, ses deux grandes portes sculptées d’or. Les aventuriers les ouvrirent pour y découvrir un endroit fabuleux.

                En touchant la porte, je me réveillai en sursaut. Je n'étais pas couverte de sueur, je ressentais une puissante sensation de satisfaction. Celle d'avoir découvert quelque chose, mais quoi ? TF

    Illustration: Chase Dimick - Tous droits déposés

  • Le courage des oiseaux.

    DSC01596.JPGLa LPO, Ligue pour la Protection des Oiseaux, fondée en 1912 est une organisation non gouvernementale, chargée du recensement et protection des espèces aviaires sauvages. Son chargé de mission en Occitanie, Thomas Marchal, éducateur à l’environnement et au développement durable a présenté le site naturel protégé des salins de Villeroy, acquis par le Conservatoire du Littoral. D’anciens marais salants, renaturés et délimités, dans lesquels on retrouve des îlots artificiels pour la reproduction des oiseaux marins limicoles (nichant au sol), protégés des prédateurs. S’y nichent des Echasses blanches, des Sternes caugek, pierregarin ou naines, des Gravelots, des Tadornes, des huitriers pie, des Avocettes élégantes… Observés à l’aide de jumelles – Calao et Arctica- et d’une longue vue d’ornithologue, identifiés via les caractéristiques définies le matin (bec, taille, couleur, pattes, plumage, ramage, queue, façon de voler, de chasser…) les individus étaient nombreux à cette période de reproduction printanière.

    Que nous apprennent les oiseaux sur nous-mêmes? Que la taille est relative puisqu’ils nous regardent de haut, que la liberté est totale quand on peut voler sans contraintes, que la migration est belle quand elle est naturelle. Mais cet être fragile est balayé par nos ambitions aveugles : en France, d’après le CNRS un tiers des populations d’oiseaux aurait diparu de nos campagnes ces quinze dernières années. Le résultat de l’agriculture intensive, de l’urbanisation exponentielle, des pollutions lumineuses et sonores etc.

    Sur l’île de la Réunion, par exemple, les Pétrels de Barau sont des oiseaux marins qui s’orientent vers les lumières artificielles plutôt que les lumières naturelles (la Lune et les étoiles), restant piégés en ville et mourant de faim. Dans l’île singulière, comme dans d’autres villes  méditerranéennes, les goélands ont muté pour un régime omnivore et éventrent des poubelles par simplicité et manque de ressources halieutiques.

    Thomas Marchal évoque les différents statuts de conservation des oiseaux dans l’Hérault, dans le but de classer les espèces en fonction de leur popularité régionale et des multiples menaces qui planent sur elles. Ce classement régional se retrouve aussi à l’échelle internationale avec l'UICN - Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Afin de repérer les familles les plus menacées, on y retrouve neuf catégories allant de « non évalué » à « éteint à l’état sauvage ».Toutes ces connaissances ne sont pas intemporelles : on retrouve des oiseaux abattus dans "l'Albatros" de Baudelaire comme dans l’Océanite tempête, autrefois tuée par les marins lorsqu’elle se réfugiait sur les navires. Dans la culture maritime, elle était considérée porteuse des intempéries. Les oiseaux restent souvent très mal connus du grand public, spécialement les espèces maritimes, c’est pourquoi la LPO mène des opérations de sensibilisations et d’initiations. D’après « La synthèse des changements de catégories entre 2008 et 2016 », tous ces efforts permettent une évolution positive dans la liste rouge de l'UICN,  le goéland railleur étant passé par exemple de « EN DANGER » a « VULNÉRABLE ». Cela démontre que les changements du comportement humain, même modestes, entraînent d’énormes impacts dans les populations d’oiseaux marins.

    Photo: Sylvie Mimosa.